Comment la blockchain peut-elle aider les villes à devenir vertes ?
En incitant des voisins à partager leur énergie sans passer par les fournisseurs traditionnels, ou en encourageant ces derniers à optimiser leurs réseaux d’électricités intelligents, la blockchain représente une chance pour créer des smart cities durables.
1 Smart contracts
La blockchain pour créer des villes vertes ? Avec l’explosion des cryptomonnaies, une technologie a particulièrement retenu l’attention des banques et des entreprises tous secteurs confondus, notamment spécialisées dans la production d’énergies vertes, dans l’optique de créer de véritables smart cities : la blockchain.
Le bitcoin, l’ethereum et les cryptomonnaies en général reposent en effet sur une sorte de « livre de comptes publics » sur lequel est inscrite chaque transaction, afin de rendre impossible toute magouille. Cette base de données sécurisée et décentralisée permet de créer des « smart contracts », des programmes qui déclenchent des actions automatiquement sous certaines conditions. Ce protocole permet de fait de construire toutes sortes de services : des transactions décentralisées, des élections dématérialisées, de futurs systèmes de notarisation décentralisés, des achats en bourse, ainsi que… l’échange et la production d’électricité.
En pratique, il est ainsi possible de réunir les habitants d’un quartier sur une blockchain (associée ou non à une monnaie électronique) afin de leur permettre de produire une énergie renouvelable. Ces derniers peuvent s’échanger l’électricité produite à prix coûtant, en fonction de leur besoins. Ces échanges sont donc régis par des « smart contracts » qui certifient que ceux qui demandent l’accès à l’énergie en ont le droit et que ceux qui la fournissent ont les capacités pour le faire. Un tel système permet donc de limiter l’utilisation du réseau national d’énergie et d’utiliser plutôt l’électricité produite par les panneaux solaires de son voisin.
2 Brooklyn Microgrid
À New-York, Brooklin Microgrid, un projet de partage d’énergies vertes, permet déjà depuis 2016 à une soixantaine d’habitants du quartier de produire à grands renforts de panneaux photovoltaïques de l’énergie solaire, de l’échanger et de la revendre grâce à la blockchain en P2P. Ce microgrid (soit un micro-réseau d’énergie locale) est soutenu par l’État de New York et Siemens, et a été développé par TransActive Grid. Cette coopérative regroupe les entreprises Lo3 Energy (dont le domaine est le développement de réseaux d’énergie solaire) et ConsenSys (spécialisée dans le Bitcoin). Son objectif : limiter au maximum le recours des résidents de President Street à l’électricité des fournisseurs traditionnels comme Consolated Edison ou Energy Star. L’argent généré par la vente d’énergie reste ainsi dans les poches des membres de la communauté et la déperdition due à son transport s’en trouve limitée.
À partir de la plateforme Ethereum, un smart contract gère les échanges d’énergie en temps réel, sans intermédiaire humain ou économique, en fonction de la quantité d’électricité produite et des besoins des résidents. « En passant par un fournisseur local, qui s’est avéré être mon voisin de l’autre côté de la rue, l’argent demeure dans la communauté, les avantages pour l’environnement sont réellement ressentis ici. De plus, en achetant de l’énergie verte à mon voisin, je peux inciter d’autres voisins à placer des panneaux solaires sur leurs toits », racontait Bob Robert Sauchelli, un habitant de Brooklyn, en 2016, au quotidien Les Échos.
Brooklin Microgrid, un projet de partage d’énergies vertes en P2P existant depuis 2016
Crédits : Brooklin Microgrid
3 Faire de Chicago
une ville intelligente durable
Brooklyn Microgrid est devenu depuis un symbole de l’énergie verte via la blockchain. Le projet a fait des émules un peu partout (40 projets aux États-Unis, selon un rapport de GMT Research), participant à démocratiser peu à peu l’usage de l’énergie solaire. À Chicago, ville qui tente de devenir
une « smart city open source » et durable, la Northwestern University passe ainsi depuis mai 2018 par la plateforme australienne de blockchain P2P, Power Ledger, pour permettre aux différents bâtiments de son campus d’échanger l’énergie excédentaire produite par ses panneaux solaires afin de réduire les coûts, ainsi que les émissions de CO2.
4 Pro-sumers
Et en France ? Les industriels de l’énergie, comme Engie et Schneider Electric, poursuivent des projets d’utilisation de la blockchain pour optimiser l’utilisation des « smart grids » (les réseaux électriques intelligents) mais aussi pour permettre à leurs clients de devenir des « pro-sumers » – des consommateurs qui produisent aussi de l’énergie. Alors qu’un fournisseur comme Engie semble avoir beaucoup à perdre face à une telle décentralisation et à un tel empowerment des usagers, il souhaite en réalité « accompagner le mouvement » et « produire renouvelable », en devenant également un « producteur local » ou un « prescripteur » auprès de ses clients qui souhaitent produire eux-mêmes leur énergie. « Nous arrivons à un seuil où cette production locale devient compétitive par rapport à la production centralisée. Nous avons donc toutes les raisons d’abandonner la centralisation », assure ainsi Étienne Gehain, coordinateur du programme R&D Digital chez Engie, dans le Journal du Net.
Des micro-réseaux d’autoconsommation basés sur les microgrids américains sont actuellement mis en place en parallèle par plusieurs collectifs. Comme à Chicago et Brooklyn, la blockchain représente ainsi en France un outil précieux pour « mesurer, stocker et certifier toutes les informations relatives aux différents flux d’énergie (verte et non verte), sans recourir à un prestataire extérieur », explique Le Monde.
La start-up Sunchain a ainsi l’ambition de « faire circuler l’énergie solaire sur les réseaux publics de distribution d’électricité » en créant « de nouveaux schémas de production et de consommation d’énergie, verts et intelligents ». Pour ce faire, elle conçoit sa propre « blockchain privée », afin de favoriser « l’autoconsommation collective » et l’échange d’énergie entre bâtiments. « Plutôt que de vendre l’excédent d’énergie produit par un bâtiment, il peut être judicieux de le transférer à un autre bâtiment. Ainsi, à l’échelle d’un écoquartier par exemple, l’autoconsommation sera mutualisée, quel que soit le lieu d’implantation des capteurs solaires », écrit l’entreprise sur son site.
Avec Enedis (ex-ERDF) et le département des Pyrénées, Sunchain expérimente depuis 2017, à Perpignan, un « micro-réseau indépendant » de cinq bâtiments publics, qui devrait permettre à terme de réduire leur utilisation d’électricité « non verte ». Enedis, qui souhaite probablement rester dans le coup tout comme Engie, devrait ensuite accompagner d’autres projets d’autoconsommation d’électricité reposant sur la blockchain.